En sanskrit, « Sat » veut dire vérité et « Khya », savoir, connaître.
La totalité des philosophies, des religions et des croyances indiennes se basent sur le Sâmkhyà.
Le yoga est la pratique, le Sâmkhya est la théorie et la réflexion.
Le physicien Jean Charron a écrit : « Si nous situons l’instant zéro de la vie de l’Univers au début de l’expansion, alors la Relativité complexe nous apprend qu’avant le commencement, l’Univers était statique, sans expansion. L’espace était sphérique, fermé…, la matière particulaire était entièrement absente. L’espace était rempli d’un rayonnement noir à une température de l’ordre de 60.000 degrés centigrades ».
Pour le Samkhya, Purusha est la représentation de cet Univers statique, sans expansion. Il est la pure conscience qui n’a ni commencement, ni fin, ni forme. Il est le Tout et le Rien. C’est de son désir d’expérimentation, de mouvement, que nait son déséquilibre (et donc son opposé, sa différence). Ainsi naissait le monde gouverné par les lois de la dualité.
Étapes de la création du monde et correspondances humaines
Aussi vrai que tout ce qui se passe dans le macrocosme, se passe dans le microcosme, tout ce qui se passe à l’échelle de la création du monde se passe à l’échelle de notre propre naissance.
• Purusha
Purusha est le Soi cosmique. Immobile, sans aucune possibilité de se mouvoir. Il est la conscience consciente de lui-même. Rien ne peut être en dehors de lui. Il est la nature de la vie non perceptible et non matérialisée. Il est à la fois le Tout et le Néant.
À notre échelle humaine, le Purusha fait référence au Vrai Soi, à ce que nous trouvons quand nous devenons Unité Parfaite. Il est à la fois la Conscience Pure Universelle et la Pure Conscience Individuelle.
• De Purusha émerge Prakriti
À l’image même de la dualité qui compose toute la création, Prakriti est l’énergie dite opposée de Purusha. Mais dans la nature, rien ne s’oppose, tout est complémentaire et indissociable. Purusha est la cause originelle d’absolument tous les phénomènes visibles et invisibles du monde existant. Prakriti est l’Unique qui devient multiple.
Elle est la Mère divine de l’Univers, celle qui manifeste en tous lieux et en tout temps la vie. Chacune de ses créations reste unique («
Prakriti » signifie première création). À notre échelle humaine, la Prakriti fait référence à notre pouvoir créatif, à notre expérience.
• De Prakriti émerge Mahat
Mahat installe l’intelligence créatrice, celle qui encadrera le monde. Grâce à Mahat, et même si les créations seront toujours infinies et multiples, elles répondront toutes à une même logique, à un cadre précis.
Par exemple :
À l’échelle humaine, Mahat représente l’énergie de l’équilibre qui trie et encadre. Elle crée aussi un sentiment de limite, de différence, de clan. Il nous faut donc apprendre à ressentir Mahat dans son ensemble, au-delà de notre propre clan, dans sa réalité universelle.
• De Mahat émerge Ahamkara
Ahamkara structure la création. Il est celui qui pose un début et une fin, un haut et un bas. Une droite et une gauche. Il crée les espaces, les temps et les lieux. Il distingue le « toi » du « moi », le « moi » du « Tout ». À ce stade, l’univers n’est pas encore visible.
À l’échelle humaine, c’est à cette étape qu’apparaît l’ego. Comme tout, l’ego a son pôle positif et son pôle négatif. En Ayurvéda, quand nous parlons d’ego, nous ne parlons pas forcément de l’ego freudien. Nous parlons d’Ahamkara qui signifie en sanskrit « l’artisan du Je ». L’ego est essentiel, car il nous fait prendre conscience que nous sommes un être unique, un « soi-corps unique », un « soi-mental unique », un « soi-esprit unique ».
Notre ego peut nous permettre de nous installer en nous-mêmes, sans vouloir nous comparer ou ressembler à l’autre. Il permet de nous définir, de savoir ce qui est réellement bon pour nous (et rien que pour nous). Il nous permet de nous reconnaître en qualité de mélange pur, de première création (Prakriti), d’individu unique à protéger et à aimer d’une façon unique.
• De Ahamkara émergent les 3 forces fondamentales : Guna Sattva, Guna Rajas et Guna Tamas
Les gunas sont les instruments de manifestation de Prakriti. Les 3 gunas sont les qualités fondamentales (ou qualités parfaites) de Prakriti. La diversité immense du monde résulte de la conséquence de leurs innombrables mélanges.
À notre échelle humaine, nos actions, pensées et modes de vie sont déterminés par les différents pourcentages de tel ou tel guna que nous portons en nous. Les rencontres, les joies, les deuils et tous les mouvements normaux de l’existence créent d’autres mélanges en nous et au-delà de nous (de nouvelles créations). Voyons maintenant les énergies véhiculées par chaque guna.
Rajas est tout ce qui s’oppose à Tamas : elle est l’action pure, l’envie de grandir, de créer, de nourrir, de vivre.
Tamas est tout ce qui s’oppose à Rajas : elle est la stagnation, l’intériorité, le pourrissement et la mort.
Sans Tamas, la création ne serait que folie et violence : elle partirait dans tous les sens et rien ne pourrait se poser, se structurer, prendre le temps d’exister. Toute la création ne serait qu’une succession de trop-pleins et d’explosions sans fin.
Ces deux forces opposées et parfaitement indissociables se mélangent et s’équilibrent mutuellement. Avec Sattva, Rajas et Tamas forment les 3 gunas ou qualités fondamentales. Elles sont présentes en tout et partout.
Quelques exemples :
Les mélanges sont infinis, les équilibres et déséquilibres le sont tout autant.
• Des gunas émergent les sens et les 5 énergies primordiales
Dans les 5 éléments primordiaux existent une dimension physique, une dimension sensible et une dimension subtile (trinité quand tu nous tiens ?!). Ils sont les 5 énergies qui permettent à la vie de se concrétiser, de se matérialiser.
Ces 5 éléments sont : l’Éther, l’Air, le Feu, l’Eau, la Terre.
Nous reviendrons longuement sur l’étude de ces 5 éléments.
• Des 5 éléments primordiaux émergent les 3 doshas
Les 3 doshas sont les 3 organisations biologiques composées des 5 éléments. Ils permettent de créer des matières vivantes parfaitement bien structurées et toujours différentes.
Nous trouvons :
Là encore, nous étudierons cela plus en détail ultérieurement.
C’est donc par toutes ces étapes que nous vivons, que nous expérimentons les réalités matérielles et immatérielles de Purusha.
Sâmkhyà et développement personnel
Ce qui est passionnant et motivant avec le Sâmkhyà, c’est qu’il ne propose aucun rite, aucun dogme. Il n’est pas une religion (il n’a pas de dieu). Il est souvent présenté comme une philosophie ou comme un système de pensée conduisant à une expérience individuelle, intime et personnelle de l’existence.
Il est le concret de la vie, notre observation, nos propres respirations. Il est la vie, juste la vie, vécue le plus purement et honnêtement possible.
Le Sâmkhyà nous invite juste à nous placer dans l’observation du réel. Pour voir, recevoir, entendre et comprendre ce que nous sommes, ce qu’est le monde.
Le Sâmkhyà se trouve dans notre effort individuel et quotidien à nous découvrir nous-mêmes, à saisir le « Secret » de la vie.
Le Sâmkhyà, c’est se poser en soi, se reconnaître en chemin, sans jugement ni impatience. C’est sortir des « j’aime et je n’aime pas », « je veux et je ne veux pas », « c’est juste et c’est faux », « c’est bien et c’est mal », etc.
Le Sâmkhyà, c’est devenir l’observateur qui se voit, qui voit le monde, qui voit l’unité parfaite entre le microcosme et le macrocosme.
Progressivement, c’est vider le mental de toute croyance, de toute image. C’est ressentir l’énergie du vrai, de l’absolu.
C’est vivre de courts instants en état d’illumination, s’en nourrir et continuer humblement notre quête.
Le Sâmkhyà, c’est dire « oui » plutôt que « non » à la vie et à ce qu’elle nous offre. Dire oui, c’est accepter l’aventure de la vie. Car le oui ouvre à tous les possibles, il permet de créer de l’expérience et donc des ponts vers la connaissance.
Le Sâmkhyà ne s’enseigne pas vraiment. Il s’observe dans l’attitude du maître et dans ses propres attitudes personnelles. Le Maître n’impose rien. Il ressent, conseille et invite à l’expérience individuelle de chacun. Il est détaché de toute image idéaliste (les termes de maître et d’élève sont obsolètes).
Extraits du livre La vie dans la vie de Lizelle Reymond
« Assis autour de Shrî Anirvân se trouvaient selon les jours : hindous, bouddhistes, chrétiens, musulmans – croyants ou incroyants – chacun vivant sa discipline, son effort, son idéal, chacun recevant la nourriture dont il avait besoin. Nous apprenions, jour après jour, à vivre dans la Vie. »
« En Sâmkhyà, le point d’appui est dans l’attitude de l’être, dans son effort conscient de comprendre. Pour cela, l’être utilise tout ce qu’il a découvert, tout ce qu’il a vécu. Son matériel consiste en évènements de sa vie pour élargir son plan de conscience, pour harmoniser le microcosme qu’il est et pour trouver le rapport existant entre cet univers connu et l’univers inconnu qui l’entoure. S’il n’a ni prière ni demande (choix libre de chacun), il a par contre une attitude d’ouverture. Il constate, il observe. Il recherche en lui-même une sensation connue pour faire face à la loi parfaite et absolue qui se déroule devant lui. Il sait que c’est en rencontrant des obstacles que l’être intérieur fera un nouvel effort pour atteindre un niveau de conscience plus vaste. S’y tenir sera une affaire de vigilance attentive, un immense travail fait de détails qui s’ajouteront à d’autres détails (…). Une telle vie est une prière vécue. »
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